Réinsertion, Justice Sociale et Résilience : Repenser la Réponse Nationale face aux Personnes Déplacées et aux Membres de Gangs en Haïti
- valeska maurice
- Oct 14
- 14 min read
Updated: Oct 20
Pourquoi les politiques de migration et de réinsertion en Haïti ont-elles échoué à prévenir les déplacements forcés ou à offrir des alternatives significatives à ceux et celles qui sont piégé.es dans les cycles de violence ?
Cet échec persistant trouve sa source dans la violence structurelle — les inégalités profondes, les injustices historiques et les exclusions systémiques qui façonnent la société haïtienne. Depuis des décennies, les réponses nationales et internationales se sont concentrées sur la gestion des symptômes visibles de la crise — pauvreté, insécurité et instabilité politique — sans s’attaquer aux structures sous-jacentes qui les entretiennent. En conséquence, la migration forcée, le recrutement dans les gangs et la fragmentation sociale continuent de se reproduire mutuellement dans un cercle vicieux.
Diverses statistiques montrent une augmentation de la violence à travers le monde, mais peu d’études se sont penchées sur les structures profondes qui la perpétuent. Le Uppsala Conflict Data Program (UCDP) estime qu’entre 1975 et 2020, la violence mondiale a doublé. Le nombre de conflits armés est passé d’environ 40 à près de 80, tandis que les décès liés à ces conflits ont augmenté de 10 000 à 110 000 entre 1989 et 2020 (UCDP, 2020).
Ces formes multiples de violence ont provoqué un afflux massif de migrations forcées à l’échelle mondiale. En 2019, 70,8 millions de personnes étaient déplacées en raison de la peur, de la persécution et de la violence. Au Soudan du Sud, par exemple, la guerre en cours a conduit 2,5 millions de personnes à l’exil (Majok, 2019). De même, le conflit entre Israël et la Palestine continue de générer une crise humanitaire majeure. Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) et l’OCHA (2024) (Office for the Coordination of Humanitarian Affairs, en français Bureau de la Coordination des Affaires Humanitaires des Nations Unies), plus de 1,9 million de Palestiniens ont été déplacés à l’intérieur de la bande de Gaza à la suite des hostilités récentes, représentant près de 85 % de la population du territoire. Cette situation illustre la manière dont la violence prolongée et les conflits asymétriques contribuent à l’érosion du tissu social et à la multiplication des déplacements forcés dans le monde. Ce problème mondial entraîne chaque année la mort de milliers d’individus : beaucoup deviennent déplacés internes, d’autres se noient en mer, et ceux qui parviennent à atteindre un autre pays finissent souvent dans des camps, des centres de détention ou des établissements précaires, avec peu d’espoir d’avenir, avant parfois d’être renvoyés de force dans leur pays d’origine (Bakewell, Landau, Milner, Kalin, Hear, Scheel et Squire, 2014).
Haïti, en particulier, n’échappe pas à cette montée de la violence. De nombreux rapports soulignent les facteurs politiques et socio-économiques à l’origine de cette situation, se concentrant souvent sur le nombre de victimes sans analyser les forces invisibles qui produisent ces victimes. Certains experts relient la violence uniquement à la lutte politique pour le pouvoir, à la pauvreté et à la criminalité ; d'autres attribuent cette violence uniquement à l’instabilité politique chronique, à l’incapacité de l’État à répondre aux besoins fondamentaux de la population, et aux violations répétées des droits humains (UCDP, 2020 ; HRW, 2020). Depuis 1986, la violence, particulièrement concentrée dans la zone métropolitaine du département de l'Ouest, principalement à Port-au-Prince, atteint des niveaux sans précédent. En 2020, le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) a estimé à 944 le nombre d’homicides intentionnels, 124 enlèvements et 78 cas de violences sexuelles et basées sur le genre entre janvier et août, avec 159 personnes tuées dans le cadre de la violence des gangs. Par ailleurs, 184 violations des droits humains imputables à la police ont été recensées (Human Rights Watch, 2020).
L’assassinat du président Jovenel Moïse le 6-7 juillet 2021 a encore aggravé cette spirale de violence extrême, marquée par le développement rapide des gangs armés. Ces derniers se sont transformés en véritables groupes paramilitaires, contrôlant près de 80 % de la capitale et étendant leur emprise sur d’autres régions stratégiques telles que l’Artibonite et le Plateau Central. La coalition « Vivre Ensemble » et ses alliés Grand Grif et autres, notamment, sèment la terreur et accentuent la détresse des populations locales. Les enfants et les jeunes sont les plus affectés. Selon l’UNICEF, en 2024 ils représentaient 30 à 50 % des effectifs des groupes armés, souvent enrôlés de force ou par nécessité de survie. Entre juillet 2024 et février 2025, au moins 147 mineurs ont été tués ou blessés, dont 87 filles victimes de violences sexuelles (Haitian Times, avril 2025).
En lien avec la migration forcée, la violence en constitue la cause directe en Haïti. Cependant, la complexité de cette violence a conduit de nombreux chercheurs à relier la migration forcée à des formes individuelles de violence, plutôt qu’à un phénomène systémique relevant d’une cause unique : la violence structurelle. Ainsi, les mécanismes causaux de ce phénomène ont souvent été abordés de manière superficielle, voire ignorés.
Prévenir la migration forcée en Haïti est possible, mais cela nécessite une analyse approfondie de la structure même de la société. En 1937, Rafael Trujillo, alors Président de la République Dominicaine, fit massacrer entre 20 000 et 30 000 Haïtiens et Haïtiano-Dominicains ; pourtant, deux ans plus tard, les survivants de ce massacre retournèrent travailler en République dominicaine (Bradley, 2014 ; Jadotte, 2009). Dans les années 1960, le régime répressif de Duvalier, soutenu par les États-Unis, provoqua un exode massif vers l’Amérique du Nord. En 1980, 18 000 Haïtiens cherchèrent refuge aux États-Unis, mais furent admis comme migrants économiques, l’administration Carter refusant de reconnaître le caractère répressif du régime Duvalier. En 1981, sous Ronald Reagan, 433 embarcations transportant des réfugiés haïtiens furent interceptées, 25 551 personnes furent rapatriées, et seulement 28 obtinrent le statut de réfugié. En 1991, à la suite du coup d’État militaire contre le président élu Jean-Bertrand Aristide, 38 000 Haïtiens furent capturés en mer ; 10 747 obtinrent finalement l’asile, tandis que 10 % de la population se réfugiait dans les zones rurales et 300 000 en République dominicaine (Gavigan, 1997).
Des décennies plus tard, des milliers d’Haïtiens continuent d’être contraints de fuir leur foyer, cette fois pour échapper à la montée des rivalités entre gangs. En 2020 « 302 ménages et plus de 1 089 personnes ont été hébergés dans le gymnase de Carrefour, dont 446 enfants et 582 femmes et filles. Les gangs avait incendié 101 maisons et en avaient détruit 80 autres. » Tandis que certaines familles ont trouvé refuge chez des proches, le sort du reste des déplacés demeurait inconnu. L’UNICEF, en collaboration avec la Croix-Rouge haïtienne, la Croix-Rouge néerlandaise et le gouvernement haitien, ont apporté une aide d’urgence tout en appelant à une solution durable à la montée rapide de la violence dans la capitale (UNICEF, 2021). Rien qu’en 2024, la terreur imposée par les groupes armés, conjuguée à l’incapacité du gouvernement à y répondre, a causé la mort d’au moins 5 601 personnes, entraîné le déplacement de plus d’un million d’habitants à l’intérieur du pays, plongé plus de cinq millions d’Haïtiens dans une insécurité alimentaire sévère et provoqué l’apparition de poches de famine dans plusieurs départements (Human Rights Watch, 2025). Alors que des milliers d’Haïtiens, contraints de fuir leur pays pour chercher refuge à l’étranger, notamment en République dominicaine et aux États-Unis, se voient refoulés ou menacés de déportation, souvent sans respect des conventions internationales relatives à la protection des réfugiés, ils se retrouvent confrontés à un destin périlleux et empreint de violence. Pourtant, les experts continuent de traiter la migration forcée uniquement comme un phénomène isolé, attribué à la pauvreté, à la mauvaise gouvernance, à la violence des gangs ou à la répression étatique, sans considérer la structure sociale dans son ensemble.
La pluralité des formes de violence est observable dans la plupart des sociétés. Les multiples façons dont la violence affecte la vie des individus, en particulier des plus pauvres, en font un phénomène complexe, profondément enraciné dans les structures sociales. Comme l’explique Johan Galtung, la violence structurelle est une composante omniprésente de la violence. Elle découle de l’injustice et des inégalités inscrites dans les institutions sociales ; elle est invisible, souvent marquée par une répartition inégale du pouvoir et des richesses. La violence structurelle a des victimes bien identifiées, mais pas toujours de bourreau direct. Elle découle de l’organisation sociale qui favorise certains au détriment d’autres, et se perpétue à travers la menace et la violence directe.
Le principal problème des politiques actuelles de réduction ou de prévention de la migration forcée réside dans leur incapacité à prendre en compte ces structures profondes. Les experts traitent chaque facteur de violence — pauvreté, criminalité, exclusion, corruption — isolément, sans examiner comment ces éléments s’articulent et se renforcent mutuellement pour produire la migration forcée. Dans son article « Violence, Identity and Poverty » (2008), Amartya Sen soutient qu’il est essentiel d’analyser simultanément les multiples dimensions de la pauvreté et de l’inégalité pour comprendre les causes réelles de la violence. Ne pas le faire conduit, selon lui, à une compréhension simplifiée du phénomène et à l’élaboration de politiques inefficaces, voire contre-productives.
Ainsi, en liant la migration forcée à la violence sans reconnaître les connexions entre leurs différentes causes, on en reste à une lecture superficielle du problème. À l’exception des déplacements liés aux catastrophes environnementales, toutes les autres formes de violence sont interconnectées — et la migration forcée en est l’un des symptômes les plus visibles. Si des experts associent à juste titre la migration forcée à la pauvreté, à l’insécurité, à la violence des gangs ou à la répression, ils échouent à voir que ces phénomènes découlent d’une violence structurelle préexistante qui, si elle n’est pas traitée, continuera d’alimenter le cycle de déplacement forcé. Confirmer ces liens et comprendre pourquoi ils existent constitue donc une étape essentielle pour prévenir durablement la migration forcée en Haïti.
Proposition Integrée
En matière de politiques publiques visant à lutter contre la migration forcée, à développer des solutions intégrées pour prévenir les phénomènes de réfugiés et de déplacements internes, et à mettre en œuvre des plans d’action stratégiques, il est donc essentiel de revisiter le cadre national de réponse d’Haïti. Cela constitue une opportunité d’intégrer, dans une perspective unique et contextualisée, les dimensions socio-politiques, économiques et culturelles interconnectées du déplacement et de la violence. Une approche renouvelée doit non seulement viser à réduire les pressions migratoires, mais aussi à restaurer la justice sociale, à renforcer la résilience des communautés, et à favoriser la réinsertion inclusive des personnes déplacées et des anciens membres de gangs, en particulier les jeunes. Comprendre et traiter les causes structurelles de la migration forcée sera déterminant pour élaborer des solutions durables, contribuant à la paix et à la stabilité nationale à long terme.
Parallèlement, il convient de reconnaître qu’Haïti fait aujourd’hui face à une urgence sécuritaire, politique et économique convergente, nécessitant à la fois des actions stratégiques immédiates pour atténuer la souffrance de la population et des interventions à long terme visant à résoudre de manière durable le problème de la migration forcée. Les gangs armés sont devenus la principale source de revenus pour de nombreux jeunes vulnérables, leur offrant des moyens de subsistance, une identité, une protection et un statut social dans un contexte d’effondrement du marché du travail formel, d’érosion institutionnelle et d’insécurité généralisée (Jean Baden Dubois, Faire face à la crise des gangs en Haïti : des solutions économiques à la violence, Septembre 2025). Les approches répressives traditionnelles, centrées exclusivement sur l’application de la loi, n’ont produit que des résultats temporaires. Elles ont échoué à transformer les incitations économiques et sociales qui alimentent le recrutement dans les réseaux violents.
Selon Jean Dubois, ancien gouverneur de la Banque de la République d'Haïti (BRH), au cœur du problème, la crise des gangs en Haïti reflète une distorsion du marché du travail — une adaptation perverse du modèle de développement à deux secteurs de W. Arthur Lewis, dans lequel ce sont des organisations illicites, plutôt qu’une économie productive moderne, qui absorbent le surplus de main-d’œuvre du pays.
Nous conviendrons que cette réalité appelle à un changement de paradigme : au lieu de criminaliser les victimes de l’exclusion structurelle, Haïti doit repenser la réinsertion et la reconstruction sociale à travers des politiques qui restaurent la dignité, l’opportunité économique et le sentiment d’appartenance.
Nous proposons que faire face à cette crise exige donc une stratégie à double voie. D’une part, des réformes structurelles à long terme doivent s’attaquer aux causes profondes de la violence — inégalités, exclusion et faiblesse institutionnelle. D’autre part, des actions stratégiques immédiates doivent répondre au moins aux besoins urgents des populations déplacées et des jeunes marginalisés, en leur offrant des alternatives renforçant la cohésion sociale et la résilience.
Une recherche approfondie examinera la nature de la violence structurelle dans la société haïtienne et explore comment ses multiples dimensions — économiques, politiques et sociales — interagissent pour engendrer la migration forcée et la désagrégation du tissu social. En comprenant ces dynamiques interdépendantes, il deviendra plus évident comment repenser de manière rationnelle la réponse nationale, en articulant la réinsertion, la justice sociale et la résilience comme piliers d’une vision durable et renouvelée de la paix en Haïti.
Dans le contexte d’urgence que traverse actuellement le pays notre objectif aujourd’hui est d’aller droit au but. Nous proposons donc une stratégie à double voie visant à promouvoir la réinsertion, la justice sociale et la résilience des personnes déplacées et des anciens membres de gangs — en particulier les plus jeunes — dans la perspective d’une reconstruction sociale et nationale inclusive.
Réinsertion, Justice Sociale et Résilience en Haïti : Une Stratégie à Double Voie à Exécuter Conjointement et Simultanément
Voie 1 : Réformes Structurelles à Long Terme
Objectif : S’attaquer aux causes profondes de la violence — inégalités structurelles, exclusion, faiblesse institutionnelle et aliénation culturelle — afin de poser les fondations d’une paix durable, d’une justice équitable et d’une identité haïtienne renouvelée.
1. Restaurer la Confiance Institutionnelle et Renforcer la Gouvernance
Réformer les systèmes de justice, de police, de l'armée et d’administration publique afin d’assurer l’équité, la transparence, la redevabilité et la responsabilité.
Promouvoir la décentralisation et renforcer les structures de gouvernance locale pour offrir des services publics efficaces et adaptés.
Consolider l’éducation civique afin de promouvoir la citoyenneté, la participation et le respect de l’État de droit.
2. Investir dans une Transformation Économique Inclusive et Productive
Lancer un Programme National pour l’Emploi et l’Entrepreneuriat destiné aux jeunes vulnérables, aux femmes, aux agriculteurs.trices, et aux populations déplacées.
Soutenir des entreprises communautaires et écologiques (agriculture, pêche (économie bleue) recyclage, énergies renouvelables (économie verte), industries culturelles et biopatrimoine (economie jaune)).
Encourager l’engagement de la diaspora et les investissements locaux et étrangers dans des secteurs productifs, de développement d'infrastructures et des industries afin de créer des opportunités équitables.
3. Promouvoir la Justice Sociale et l’Équité dans l’Accès aux Ressources
Réformer les systèmes de propriété foncière et réaménager le territoire national afin de favoriser un développement urbain et rural harmonieux, garantissant un meilleur accès aux services de base, facilitant, par exemple, le développement de logements sociaux adéquats, protégeant l’environnement naturel et valorisant le patrimoine national, notamment dans les zones rurales et périurbaines.
Renforcer l’accès aux droits fondamentaux et aux opportunités économiques en améliorant l’accès aux soins de santé, à l’éducation, à la formation professionnelle, à l’emploi, à l’entrepreneuriat et à la protection sociale pour les groupes marginalisés, en veillant à réduire les inégalités structurelles.
Institutionnaliser l’égalité de genre et la participation des jeunes dans tous les programmes publics et les processus de consolidation de la paix, afin de garantir une représentation équitable et de renforcer la cohésion sociale et la résilience communautaire.
4. Reconstruire une Identité Nationale Ayitienne Forte, Ancrée dans la Culture et les Traditions
Promouvoir le patrimoine culturel Ayitien, la spiritualité vodou, la langue ayitienne et la fierté historique comme fondements de la mémoire collective, de la cohésion sociale et de la résilience aux chocs multiples.
Soutenir des initiatives culturelles et artistiques qui valorisent l’identité locale et la mémoire collective, favorisant l’unité nationale au-delà des divisions politiques.
Intégrer la vraie histoire Ayitienne, les arts et les savoirs traditionnels Ayitiens dans les programmes scolaires nationaux.
Reconnaître et impliquer les communautés traditionnelles (lakou, konbit, sosyete) comme partenaires essentiels de la défense nationale, de la reconstruction sociale, de la réconciliation et de la régénération morale.
Développer un Programme National de Renaissance Culturelle visant à raviver la solidarité intergénérationnelle et la fierté civique à travers la musique, le conte, l’artisanat et les festivals.
5. Construire une Culture de Paix et de Résilience
Promouvoir l’éducation à la paix et la résolution non violente des conflits dans les écoles et les communautés.
Créer des comités communautaires et solidaires de paix incluant les femmes, les jeunes et les leaders traditionnels.
Soutenir des mécanismes de guérison des traumatismes et de justice restaurative pour panser les blessures collectives et renforcer la coexistence.
Voie 2 : Actions Stratégiques Immédiates
Objectif : Répondre aux besoins urgents des populations déplacées et des jeunes marginalisés, tout en créant des alternatives qui restaurent la dignité, la sécurité, la résilience communautaire et favorisent la justice transitionnelle.
1. Réinsertion d’Urgence et Soutien aux Moyens de Subsistance des Populations Déplacées
Fournir des abris sûrs, de la nourriture, des soins de santé et un soutien psychosocial aux familles déplacées internes.
Mettre en œuvre des projets de travail contre rémunération et de réhabilitation communautaire générant des revenus immédiats et reconstruisant les infrastructures.
Faciliter le retour volontaire ou la relocalisation avec des garanties de sécurité et un appui à la réinsertion économique.
2. Désarmement, Réhabilitation et Réinsertion (DRR) des Membres de Gangs, particulièrement les jeunes
Lancer des programmes de réhabilitation complets offrant éducation, formation professionnelle et accompagnement psychosocial.
Établir des partenariats avec des organisations communautaires, culturelles, spirituelles et religieuses pour favoriser la réinsertion morale et la justice restaurative.
Offrir des incitations au désarmement et à la réinsertion par le mentorat, l’apprentissage et des opportunités d’emploi.
3. Initiatives de Résilience Communautaire et de Cohésion Sociale
Créer des zones de paix et des comités locaux de médiation dans les quartiers touchés par la violence des gangs.
Promouvoir des programmes culturels et sportifs engageant positivement les jeunes et renforçant le sentiment d’appartenance communautaire.
Encourager des projets de reconstruction locale (écoles, marchés, routes) comme symboles de renouveau collectif.
4. Renforcer l’Appartenance Culturelle et l’Engagement Civique à Court Terme
Organiser des activités culturelles rapides — festivals communautaires, journées du patrimoine, contes populaires — pour restaurer la fierté et la solidarité.
Déployer des brigades culturelles mobiles combinant art, éducation et dialogue civique dans les communautés déplacées et marginalisées.
Utiliser la radio, la télévision, le théâtre, les réseaux sociaux et les médias numériques pour promouvoir des récits d’unité, de dignité et d’espoir ancrés dans l’identité haïtienne.
5. Conférence Nationale pour la Responsabilité, la Justice et la Réconciliation
Organiser une Conférence Nationale réunissant acteurs gouvernementaux, leaders communautaires, victimes, anciens membres de gangs et société civile pour favoriser un dialogue inclusif sur la responsabilité individuelle, la justice transitionnelle et restaurative et les mécanismes de réconciliation nationale.
Identifier et reconnaître publiquement les violations et crimes commis tout en établissant des mesures de réparation et de réinsertion pour les victimes et les auteurs repentis.
Mettre en place un cadre institutionnel de suivi pour garantir que la réconciliation et la responsabilité citoyenne soient intégrées aux politiques locales et nationales.
6. Mécanismes de Coordination et de Suivi
Créer une Cellule Nationale pour la Réinsertion, l’Identité et la Résilience, réunissant ministères, société civile et communautés locales.
Développer des indicateurs mesurables pour évaluer les progrès en matière de réinsertion, de participation culturelle, de justice transitionnelle et de cohésion sociale.
Garantir la transparence, la participation citoyenne et la reddition de comptes à toutes les étapes du programme.
Conclusion
La crise haïtienne ne peut être résolue par des mesures sécuritaires et économiques seules. Le chemin vers la résilience passe par la reconstruction de la structure sociale et l’élaboration d’une identité nationale forte et inclusive — une identité qui valorise les racines culturelles, la solidarité communautaire (le konbitisme) et la créativité collective. La construction d’une Haïti développée et en paix nécessite non seulement de renforcer les institutions et l’économie, mais aussi de restaurer la cohésion sociale, de promouvoir la justice sociale, de réinsérer les populations marginalisées, et de favoriser la réconciliation nationale. Une telle approche intégrée constitue la condition sine qua non pour agir à la fois sur l’urgence humanitaire et sécuritaire immédiate, et garantir le développement durable, la sécurité et la stabilité à long terme en vue de restaurer la paix, la confiance et la fierté nationale pour un renouveau national.
Rédactrice : Valeska Maurice, Licence en gouvernance mondiale et développement durable, Titulaire d’une maîtrise en Psychologie de la Paix et des Conflits, Post-maîtrise en Innovation Sociale, Présidente de l’AEOSC.
Cet article est le fruit d’un résumé compilant les résultats de certaines recherches à l’Université de Tokyo aux Affaires Étrangères, préparé pour animer une formation au Centre pour la Promotion de la Démocratie et de l’Éducation Participative (CPDEP), dans le cadre de son programme d’Appui aux Partis Politiques (PAPPOI), et publié dans la rubrique hebdomadaire « Analyse Conjoncturelle de la Situation Politique, Économique et Sociale d’Haïti
*** Tous droits d’auteur réservés à la rédactrice.
Références:
Bakewell, O., Landau, L. B., Milner, J., Kalin, W., Hear, N., Scheel, S., & Squire, M. (2014). Migration and forced displacement: Global perspectives and humanitarian responses. Oxford University Press.
Bradley, M. (2014). The Dominican Republic-Haiti border: History and migration dynamics. Journal of Caribbean History, 48(2), 123–145.
Dubois, J. (2025). La crise des gangs en Haïti et la distorsion du marché du travail. Port-au-Prince: BRH.
Gavigan, S. (1997). Haitian migration to the United States: Historical patterns and refugee policy. Washington, DC: Migration Policy Institute.
Galtung, J. (1969). Violence, peace, and peace research. Journal of Peace Research, 6(3), 167–191.
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Jadotte, J. (2009). Les migrations haïtiennes vers la République dominicaine: Défis et perspectives historiques. Port-au-Prince: Université d’État d’Haïti.
Majok, A. (2019). Conflict and displacement in South Sudan: 2013–2019. Uppsala: Uppsala Conflict Data Program.
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Uppsala Conflict Data Program (UCDP). (2020). UCDP Conflict Encyclopedia 1975–2020. Uppsala University.
Jean Baden Dubois (Septembre 2025), "Faire face à la crise des gangs en Haïti : des solutions économiques à la violence"
